Lors d’une interview exclusive, nous avons eu l’immense opportunité de discuter avec Ophélie David, une femme inspirante et passionnée. Skieuse professionnelle pendant 15 ans, elle nous fait part de son parcours incroyable et nous retranscrit sa carrière avec passion et beauté.
Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Je m’appelle Ophélie David. J’étais pendant 15 ans skieuse professionnelle en skicross. Pendant ces 15 années en coupe du monde, j’ai aussi participé aux Jeux olympiques, aux championnats du monde, aux X Games, et toutes les grandes compétitions que comptait ma discipline. Contrairement à ce que beaucoup de gens peuvent penser, je ne suis pas montagnarde. Je suis née dans le Pas-de-Calais, à Étaples-sur-Mer, village de pêcheurs. J’ai grandi en Corse. Pour finir, vers l’âge de onze ans, on a déménagé et je suis arrivée dans les Alpes, où j’ai vraiment commencé à faire de la compétition de ski. J’ai donc un parcours assez hétéroclite. Même durant ma carrière, je faisais d’autres sports à côté. Notamment à l’Alpe d’Huez, il y a une très belle compétition qui s’appelle la Mégavalanche, qui est une compétition de VTT. Donc voilà, je suis plutôt touche-à-tout. Aujourd’hui je passe la moitié de ma vie dans les Alpes et l’autre moitié en Corse.
Avant de vous lancer dans le skicross, vous avez débuté votre carrière en ski alpin. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?
En arrivant vers onze ans à l’Alpe d’Huez, il y avait à l’époque soit le ski alpin, soit le patinage. Il n’y avait pas une offre aussi riche que pour les jeunes de stations aujourd’hui. Quand on faisait du ski, on faisait du ski, point. On ne faisait pas de freeride, de freestyle,… C’était juste du ski. On faisait tout et n’importe quoi avec des skis aux pieds. Les seules compétitions qui existaient à ce moment-là, c’est vrai que c’était plutôt du ski alpin, tout ce qui est slalom et géant. Ensuite le snowboard est arrivé, et puis le freestyle est arrivé, et puis le freeride est arrivé… Tout ça s’est structuré au fur et à mesure. Je vous raconte tout ça parce qu’au début je faisais du ski alpin, comme absolument tout le monde. Ma discipline de prédilection, c’était plutôt le slalom. Et puis je suis partie aux États-Unis faire le ProTour deux ans, et à peu près à cette époque-là est né le skicross aux États-Unis. Le skicross, il faut savoir que c’est un vrai produit médiatique. La première apparition du skicross, c’est en compétition aux X Games. Donc c’est un vrai produit télégénique, et moi ça m’a beaucoup attiré. Et puis un peu par hasard, je dois l’avouer, j’ai eu l’occasion de participer à une compétition de skicross, alors qu’à ce moment-là j’étais entraîneur et dans ma tête j’avais arrêté la compétition. Mais j’ai eu cette opportunité et ça a été un réel coup de foudre.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cette discipline ?
Ça a été vraiment un vrai coup de foudre pour cette discipline qui, à mes yeux, regroupait tout ce qui était chouette en ski, à savoir la notion technique assez forte du ski, l’engagement, la promiscuité avec l’adversaire qui m’aide à être meilleure, et le côté jeu. Comme quand on est gosse, on regarde son voisin, on lui met un petit coup de coude et on lui dit « le premier arrivé à l’arbre a gagné ». Nous le skicross c’est ça, mais avec des bosses au milieu, donc c’est juste génial à faire.
En quoi consiste votre entraînement quotidien ?
Aujourd’hui j’ai pris ma retraite depuis les Jeux de Pyeongchang. Chaque jour, c’était différent en fonction de la saison. Au printemps, ça va être beaucoup de récup. Mais assez rapidement ça va venir sur de la musculation. On fait beaucoup d’entraînements hors-ski quand on est skieur, beaucoup de travail d’endurance musculaire, parce qu’en skicross on répète 6 à 7 fois la manche, donc c’est assez éprouvant même si ça n’en a pas l’air comme ça. Et en même temps, il faut rester très explosif, très alerte, très vif. On résiste à beaucoup de charges qui viennent nous écraser. C’est de la physique pure, c’est de la gravité et c’est la force centrifuge dans les virages. Donc quand on fait un travail spécifique, ça s’appelle de l’excentrique, mais on fait vraiment beaucoup de choses. La clé de voûte entre le haut et le bas c’est le gainage, et autant vous dire que du gainage j’en mange des kilos, et beaucoup de proprioception aussi, puisque c’est un sport de glisse, c’est un sport d’adaptation. Donc il y a énormément de jeux d’équilibre pour aller développer des petits muscles qui sont un petit peu atrophiés dans nos chaussures de ski l’hiver, qu’on va venir beaucoup réactiver. Sur la neige, on a rarement un parcours entier de skicross. On va travailler portion par portion et c’est vraiment en automne qu’on va réussir à avoir un bout de parcours, mais qui ne ressemble pas encore à la coupe du monde, parce que ça demande des heures de machines, c’est un budget assez pharaonique. Donc on va venir fabriquer nos pièces, comme celles d’un puzzle. On va faire autant de la vitesse que du parc ; apprendre à sauter, à amortir les bosses, à être très félin avec le parcours qui va nous être proposé, et pour autant être quand même puissant, parce qu’il faut qu’on génère de la vitesse.
Quel est votre palmarès ?
J’ai toutes les couleurs de médailles sur les championnats du monde. J’ai gagné cinq fois les X Games et au total, j’ai sept médailles. J’ai sept globes de cristal de la discipline (c’est quand on gagne le classement général de toutes les coupes du monde) et trois du freestyle, qui est la totalité des toutes les épreuves freestyle. Je ne me souviens plus exactement, mais j’ai plus de 60 podiums en coupe du monde et plus de 20 victoires, donc ça fait un joli palmarès.
Qu’est-ce que ça fait d’être championne du monde en skicross ?
Honnêtement, c’est des moments suspendus dans le temps qui restent gravés dans la tête à jamais. Ça fait évidemment plaisir. Je vous parlais du travail physique, mais il y a aussi tout un travail mental. Ça implique beaucoup de personnes à titre professionnel, mais aussi votre entourage. Donc le challenge personnel de chaque sportif aspire derrière lui beaucoup de personnes. Quand vous avez la chance de décrocher un titre et de monter sur la plus haute marche, c’est quelque part un remerciement que vous adressez à toutes ces personnes qui sont engagées derrière vous. Évidemment ça fait extrêmement plaisir. Pour certains c’est un aboutissement, pour d’autres ce sont des étapes. Chacun vit différemment. Mais je crois qu’au moment où l’hymne nationale résonne, le moment où toute son équipe qui est devant nous a le sourire, que vous avez eu tous vos proches au téléphone et qu’on sent qu’il y a énormément de joie et de bonheur, c’est juste une petite bulle dans le temps qui vous est offerte et qui procure un bien-être dingue.
Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?
Oui, vous pensez bien qu’en quinze ans de coupes du monde il arrive des choses, mais c’est vrai que moi je suis assez tête en l’air. Une fois je partais de chez moi de l’Alpe d’Huez pour aller faire une coupe du monde aux comtes d’Amiens en France. Je partais de chez moi avec ma voiture et je rejoignais l’équipe. Arrivée à Grenoble, je me suis rendue compte que j’avais tout simplement oublié mes skis. J’avais tout jusqu’au moindre détail, mais j’avais oublié l’essentiel.
En parallèle, vous faites du VTT. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce sport ?
Je faisais beaucoup de VTT, maintenant je fais un petit plus de la route et du gravel. Et je fais surtout de l’enduro. Ce qui me plaît c’est qu’on évolue sur le même terrain que l’hiver, c’est le même terrain de jeu. Il y a beaucoup de choses que j’arrive à transcrire du ski au vélo. Tout ce qui est équilibration latérale, la lecture de pente, les trajectoires,… Tout ça sont des choses que j’arrive à passer d’un sport à l’autre, donc c’est plutôt cool, je n’ai pas l’impression de partir de zéro. Et ce qui me plaît c’est que clairement le vélo c’est quand même un engin incroyable : un engin de déplacement, de partage, de sport. Je trouve que c’est un outil génial pour l’homme. Il y a un vrai sentiment de liberté. Il y a la possibilité de parcourir des grandes distances avec finalement l’effort physique à un bon ratio. On évolue à une vitesse parfaite, dans le sens où on va quand même assez vite pour faire du chemin, mais en même temps on va suffisamment lentement pour chopper au regard un détail, voir des animaux, une lumière, apprécier un chemin… Je trouve que c’est vraiment la super vitesse. En voiture ça va trop vite, à pieds des fois c’est un peu lent, mais je trouve que le vélo c’est pile la bonne vitesse. Et puis c’est une communauté assez forte aussi je trouve. Les passionnés de vélo ont un esprit communautaire vraiment très fort, beaucoup d’énergie, beaucoup d’interactions. Les gens ne vont pas avoir de vous commenter, de vous interpeller, de poser des questions, de donner des conseils. Je trouve que c’est une communauté très active. On sent que le vélo passionne vraiment, quelles que soient ses formes. Que ce soit route, VTT, l’électrique qui fait revenir des gens à la pratique, moi je trouve ça extraordinaire. Vraiment, j’adore ! Je trouve que c’est vraiment un super engin.
Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?
D’un point de vue sportif, je n’ai plus vraiment d’objectifs aujourd’hui. Par contre c’est vrai que j’ai quand même ce goût de l’aventure, du dépassement. Là par exemple, ce printemps, j’ai fait le tour de la France justement à vélo en gravel. C’était quand même un gros truc, puisque ça faisait 5 600 km que j’ai réalisé en 40 jours. Début octobre, je pars au Maroc avec une amie, on va faire le Half Marathon Des Sables. Donc voilà, il y a toujours ces petits challenges, ces petites aventures, qui pour moi sont très importantes et font partie de mon équilibre. D’un point de vue professionnel, mon objectif est de gagner suffisamment ma vie pour avoir beaucoup de temps pour les objectifs dont je viens de vous parler. L’idée est de trouver le bon équilibre entre tout ça, parce que le temps passe vite, et moi j’ai envie d’être encore émerveillée. J’ai encore envie d’être surprise, j’ai encore envie de sortir de ma zone de confort et d’avoir peur de ne pas réaliser ce dans quoi je me suis lancée, parce que je trouve que c’est ce qui met du sel dans la vie. Si tout est trop bien huilé, moi ça m’angoisse un petit peu. J’ai besoin de cette part d’inconnu. Ça vient peut-être de mon sport, où effectivement quand je me lançais, j’étais pas toute seule, il y avait toujours une part d’inconnu. Prendre la vie comme un jeu en se mettant ce genre de philosophie comme mantra fait qu’elle est souvent bien jolie et nous offre beaucoup de cadeaux, de belles rencontres, on apprend à mieux se connaître aussi, et tout ça fait que je pense qu’on s’approche globalement du bonheur et d’être heureux et bien dans ses baskets chaque matin.
Un mot pour la fin ?
Un grand merci, merci à vous pour cette interview et à bientôt !
Un énorme merci à Ophélie David pour cette interview très touchante et surtout inspirante. Nous lui souhaitons tout le meilleur pour la suite de ses aventures ! N’hésitez pas la suivre sur son compte Instragram et LinkedIn !
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