Femmedesport est parti à la rencontre de Maude Baudier, triathlète et jeune entrepreneuse qui a choisi de défendre la mixité dans le sport grâce au projet Les Bornées. Nous lui avons posé des questions sur la naissance et l’avenir de cette start-up qui compte bien bousculer les codes sportifs actuels.
FDS : Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Maude Baudier : Je suis Maude Baudier, j’ai 30 ans et je suis la fondatrice du projet “ Les Bornées ” .
J’ai initialement commencé dans le marketing du luxe, pour devenir business developer en start-up digitale ainsi que chasseuse de tête également dans le digital. Je me suis lancée dans l’entrepreneuriat puisque finalement, avec toutes mes expériences, j’avais acquis énormément de compétences qui me sont désormais utiles au quotidien. Cela fait maintenant 3 ans aujourd’hui que je gère le projet les Bornées en tant qu’activité principale.
FDS : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur “Les Bornées” et comment vous est venu l’idée de ce concept ?
Maude Baudier : La genèse de ce projet était de permettre à plus de femmes d’avoir accès au cyclisme via un environnement et une communication bienveillante. Tout cela a bien évidemment changé et grossi dans le sens où nous sommes partis de la notion de féminisation à mixité. Nous nous sommes rendu compte que les hommes avaient une partie prenante dans le sujet et qu’ils voulaient eux-aussi s’impliquer et faire en sorte que les femmes aient un environnement plus accessible.
L’inclusion ne passe pas à mon sens uniquement par le genre mais aussi par des notions de mixité (mélange des personnes selon leurs critères géographiques, selon leur classe socio professionnelle).
C’est un projet qui a énormément évolué puisque initialement il était porté grâce aux réseaux sociaux avec quelques petits évènements alors qu’aujourd’hui, nous sommes une plateforme en ligne où chacun et chacune peut déposer et participer à des évènements. Il y a à la fois cette notion communautaire participative mais aussi cette notion de spectateur pour pouvoir tout simplement s’inscrire.
Nous nous sommes à la base développé sur le cyclisme mais au fur et à mesure vers la course à pied, le triathlon, et la natation qui sont des sports très reliés les uns aux autres.
« Nous tendons à rajouter au fur et à mesure les sports pratiqués par notre communauté pour leur donner d’autant plus d’opportunités de se rencontrer sportivement parlant et d’avoir d’autres occasion de pouvoir partager de bons moments ensemble. »
FDS : Quelles ont été les étapes de la mise en œuvre de ce projet ?
Maude Baudier : Elles ont été nombreuses. Il y a eu l’idée, ensuite il y a eu la volonté d’en faire un projet de communication sur les réseaux sociaux, qui a intéressé un certain nombre de personnes… Dont entre autres un petit groupement sur Paris, qui nous a demandé si on pouvait, à la suite de participation à titre personnel à l’étape du tour, organiser un séjour sur place.
Nous nous sommes donc pris au jeu, nous avons monté un projet comme une équipe professionnelle mais uniquement composé d’amateurs. Nous avons cherché des sponsors comme une brique évènementielle et à l’issue de cet évènement, qui a beaucoup fait parler de lui, nous avons été incubés chez Station F et repérés par Adidas.
Ensuite, nous avons commencé à réfléchir à étendre le projet au-delà du scope parisien pour l’implanter dans différentes villes. Nous avons alors sélectionné 8 villes qui nous semblaient pertinentes à développer et nous sommes mis en tête de trouver des ambassadeurs dans ces villes-là. Maintenant elles sont au nombre de 26. Nous sommes passés de 16 ambassadeurs à 58, qui organisent de façon hebdomadaire des événements (des rides, des runs, des sorties de natation ou autre) dans leur ville dans le but d’animer la communauté en local..
L’autre étape qui a été clé et que nous avons franchie il y a une quinzaine de jours maintenant, c’est le lancement de notre nouvelle plateforme qui a pour objectif de permettre plus d’interactivité entre les membres. En Europe, nous cassons légèrement les codes classiques d’un club sportif puisque souvent c’est géolocalisé dans un endroit très précis. Nous cassons légèrement ces barrières sportives du « je fréquente que des gens qui me ressemblent ».
« Nous ne savons pas forcément la catégorie socioprofessionnelle, les revenus, l’âge de la personne. Le but c’est de pratiquer du sport avec quelqu’un qui a le même niveau que soi ! »
Dans cette plateforme, nous avons imbriqué un algorithme qui définit les niveaux des personnes, ce qui permet d’avoir une échelle un peu normalisée et rassure énormément. Cela limite les biais de la notion de débutants, intermédiaires et confirmés, qui sont personnelles. Nous avons tous une notion, une interprétation différente de ces mots-là. Alors que niveau 1 à 12… : si tu as un niveau 4 et que tu vois un niveau 10 sur un événement tu sais que tu ne vas pas t’y inscrire parce que c’est trop compliqué pour toi.
Cela facilite énormément la compréhension de l’accessibilité ou non d’un événement par rapport à son propre niveau. Tout est fait en sorte pour que nos utilisateurs vivent, à terme, la meilleure expérience possible.
FDS : Avez-vous toujours voulu vous battre pour la mixité dans le sport ?
Maude Baudier : Je pense que cela fait partie de moi d’être engagée et un peu féministe. Cela fait partie de mon éducation, des expériences que j’ai pu vivre donc comment j’ai évolué et comment j’ai pu grandir.
Je pense que je me suis toujours battue pour la mixité dans le sport parce que je n’avais pas conscience d’un problème de mixité. Je viens de l’équitation qui est un sport hyper mixte, limite un petit peu plus féminin d’ailleurs que masculin. Mais il y a quand même beaucoup d’hommes et de femmes très impliqués et présents. Je n’ai jamais ressenti dans ma jeunesse ce défaut de mixité. Je m’en suis rendu compte plus tard. Après j’ai continué avec la course à pied qui est très mixte puisque les 20 dernières années, et il y a eu un gros travail là-dessus. Aujourd’hui il y a 48% de femmes dans la course à pied. Je ne m’en suis pas non plus rendu compte à ce moment-là.
« J’ai eu une prise de conscience quand je me suis mise au vélo. Je n’ai pas compris la différence de perception qu’on pouvait avoir de mon genre puisque j’avais des expériences extrêmement positives sportivement parlante grâce à l’équitation et à la course à pied »
FDS : Quel est l’avenir des Bornées ?
Maude Baudier : Il y a plein d’avenir différents ! Ce que j’aimerais personnellement, c’est que cela soit la première communauté inclusive d’Europe à proposer des événements sportifs et une plateforme digitale.
«Mon objectif est que l’on soit présent sur toute l’Europe. Que lorsque tu cherches à pratiquer du sport et que tu n’as pas envie de faire du sport seul, tu penses à notre plateforme.»
Le pitch est assez simple, c’est : « Plus jamais tu ne feras du sport seul.e » et pour moi cela change énormément la perception potentielle de la mise au sport des femmes. Souvent elles ont peur de se lancer seule, souvent elles ont besoin d’un petit coup de pouce via des copines, via leur mari, via leur famille, … Et finalement, il y a des personnes qui n’ont pas forcément cet entourage sportif autour d’eux et donc qui ne se lancent pas.
L’objectif c’est qu’elles entendent parler de la plateforme et qu’elles se disent : « Ok, je vais peut-être être avec des inconnus, mais je vais être avec des inconnus qui ont un bon mantra et qui sont bienveillants » et « Ce n’est pas grave que ce soit des inconnus, je vais me sentir bien avec les gens avec qui je vais faire du sport » .
FDS : Parlons sports ! Comment avez-vous commencé le cyclisme ?
Maude Baudier : J’ai commencé le cyclisme après mon premier marathon. J’étais très très à fond dans la course à pied. Je faisais beaucoup de séances et mon coach de l’époque m’a conseillé, suite à mes genoux qui commençaient un peu à tirer, de changer certaines séances de course à pied par du vélo ou de la natation.
« Il faut savoir qu’à l’époque je ne nageais pas bien, pas bien du tout voir…j’étais une ancre ! 😂 Je me suis alors naturellement orientée vers le vélo. »
Au départ c’était plutôt pour croiser un objectif de préparation complémentaire à la course à pied. Ce n’était pas dans un objectif de le faire comme sport investi principal. Et finalement on y prend goût et on reste dedans !
FDS : En quoi consiste votre entraînement quotidien ?
Maude Baudier : Alors, il y a 2 phases potentielles. Il y a « si je suis en préparation » ou « si je ne suis pas en préparation ».
En ce moment je ne suis pas en préparation donc c’est au feeling. C’est-à-dire que si j’ai envie d’aller courir, je vais courir. Si j’ai envie d’aller rouler je vais vous rouler, si je j’ai envie d’aller nager je vais aller nager, si j’ai envie de faire une session intense mais hyper courte, je vais le faire, … Donc très au feeling !
« J’ai la chance je pense, avec les années d’expérience, de me connaître et de savoir selon ma fatigue, selon ma motivation, selon la météo, selon plein de choses, ce qu’il faut que je fasse ou non. »
En temps normal quand je me prépare je fais appel à un coach (c’est-à-dire quand j’ai un objectif, soit de performance soit de niveau). Là c’est lui qui me fait tout mon entraînement qui peut aller de 4 séances semaine à 8 séances semaine selon la phase où je suis sur les 3 sports. On va alterner les sports en fonction de la période de l’année.
FDS : Pratiquez-vous d’autres sports ?
Maude Baudier : Oui, je suis triathlète donc je nage, je cours, je roule ! Je fais aussi un peu de renforcement et de yoga, car je sais que c’est très complémentaire et qu’il faut éviter les blessures. J’essaye de tout faire pour ne pas être blessée. C’est un peu l’objectif de tous les sportifs ! Par contre j’ai arrêté l’équitation je n’en fais plus depuis 10 ans.
FDS : Quel est votre meilleur souvenir sportif ?
Maude Baudier : J’en ai plein ! Mais je pense que c’est l’arrivée de l’Iron Man.
J’ai fait mon premier et unique pour l’instant en 2019 à Nice ! C’était un Ironman un petit peu spécial puisqu’avec la canicule, il y avait une réduction du parcours. Ils avaient coupé une partie de la course à pied et un tout petit bout du vélo. Une grosse déception puisque nous nous étions préparés pendant 9 mois pour faire la course complète… J’avais la sensation que je ne me sentirai pas « ironman » même en faisant cette course parce que la course avait été coupée ! Finalement j’ai passé la ligne d’arrivée après avoir passé toute une course à voir des gens faire des malaises à répétition. Et j’ai appris, en passant cette ligne d’arrivée, que c’était le plus gros taux d’abandon qu’ils avaient eu sur ironman. 27% de taux d’abandon hors conditions météorologiques extrême type neige ou grêle.
J’en ai parlé avec des personnes qui avaient plusieurs ironman à leur actif, dont des professionnels ; ils m’ ont tous dit que cela avait été plus dur cette année-là que les mondiaux qui ont eu lieu à Kona, qui sont des conditions dantesques !
C’est l’un de mes plus beau souvenir puisque j’ai appris à relativiser sur le fait que, ok je n’avais peut-être pas fait la distance totale et donc techniquement, il y en a plein qui osent me dire «tu n’es pas “Iron Man” ». Mais ayant parlé avec des professionnels qui en avaient plusieurs à leur actif, cela m’a un petit peu rassurée.
« Je me suis dit que c’était mon moment à moi. J’avais prouvé que j’étais capable de le finir alors que c’était mon premier, qui était visiblement plus dur que plein d’autres épreuves réalisées par des gens habitués à finir des ironman. C’est mon moment fierté à moi de me dire que je l’ai fait, je l’ai fini !! »
FDS : Avez-vous des objectifs sportifs à atteindre ?
Maude Baudier : Refaire un Ironman un jour ! 😁 Je sais que c’est 9 mois de préparation. Donc là je sais que je n’ai pas réellement le temps avec l’entreprise. Je suis inscrite quoi qu’il arrive sur des courses. Pas forcément avec des gros objectifs, parce que j’ai pleinement conscience que mon objectif est professionnel en ce moment ; c’est la levée de fonds. C’est monter mes équipes. C’est les faire se développer,… Il faut savoir être raisonnable et raisonnée. On ne peut pas être sur tous les fronts.
Mon but est de rester en forme, d’être capable de continuer à pouvoir faire des courses sans finir complètement sur les genoux. Mais un jour je pense que je referai un ironman ! En espérant cette fois-ci qu’il ne soit pas coupé. Et surtout en essayant d’améliorer mon temps sur chacune des disciplines.
FDS : Le mot de la fin ?
Maude Baudier : J’aurais tendance à dire de ne pas abandonner et de ne pas lâcher. Mon expérience, qu’elle soit sportive où professionnelle me tend à être confrontée à des réactions extrêmement virulentes par rapport à la place de la femme. Tout est fait pour nous faire abandonner. Quand on voit un petit peu l’écosystème, on se rend compte qu’il est rarement positif mais il faut le faire !
« Il faut pouvoir passer au-dessus de ce que les autres pensent, de ce que les autres disent ! Il faut tenir tête. Être capable de dire « Non, c’est ça que je veux faire et cela ne changera pas, c’est ma volonté, c’est ma décision ! » »
L’illustration même que j’ai sur mon parcours d’entrepreneur, c’est qu’être une femme est un problème. Je le vois entre autres parce que je suis en levée de fonds et que je vois des hommes en train d’essayer de renégocier la valorisation de mon entreprise à la baisse. Et, en ayant parlé avec des spécialistes, tous sont d’accord sur le fait que la valorisation est juste et que je n’ai pas à renégocier à la baisse. Si un homme avait proposé avec le même stade de développement de l’entreprise la même valorisation que moi, il aurait déjà fini sa levée de fond. Le problème c’est que je suis une femme.
Et ceci me donne encore plus envie de ne pas lâcher ! Cela me donne plus envie de me dire « il faut y aller ». Il ne faut pas se laisser abattre. Il y a des obstacles qui se mettent sur le chemin, il y en aura toujours. Et d’autant plus quand on est une femme.
Il faut donc clairement les contourner et passer à travers. Sinon on aura un milliard de raisons d’abandonner. Et on donnera raison à ceux qui pensent qu’on n’en est pas capable. Cela ne sera juste pas du tout vertueux pour l’écosystème féminin.
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