Nous avons rencontré Cécile Giornelli, nutritionniste spécialisée en sport de combat et fondatrice de Fight Nutrition Academy, une école de formation unique en Europe, afin de transmettre son métier. Elle nous fait part de sa reconversion professionnelle, sa détermination ainsi que de ses choix sans regret : ”Qui ne tente rien n’a rien”.
FDS : Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Cécile Giornelli : Je m’appelle Cécile Giornelli, je suis nutritionniste, et mon expertise porte sur les sports de combat. J’ai également créé une école de formation afin de transmettre ma spécialité à d’autres personnes.
Je n’ai pas eu un parcours linéaire puisque je viens de l’ingénierie commerciale. J’ai d’abord obtenu un master en école de commerce, où j’étais spécialisée en négociation industrielle. Rien avoir avec mon métier actuel ! Ensuite, j’ai décidé, il y a une petite dizaine d’années, de changer de voie. J’ai alors mené deux diplômes de front : un en prépa physique et un en nutrition.
Cela m’a coûté de nombreux sacrifices personnels, ainsi qu’un arrêt de vie sociale (du lundi au dimanche pendant plus de 2 ans non-stop !). Seulement, je n’ai jamais regretté ne serait-ce qu’une seule fois cette décision, bien que j’étais promise à un brillant avenir dans cette multinationale.
Depuis le confinement, j’ai arrêté d’exercer la préparation physique pour me dédier exclusivement à la nutrition. J’ai donc deux casquettes : la prise en charge individuelle où j’accompagne des combattants amateurs et de haut niveau. Je les aide à optimiser leurs performances via l’alimentation. En parallèle, j’ai créé mon école de formation (Fight Nutrition Academy) essentiellement dédiée aux entraîneurs.
FDS : En quoi consiste votre métier ? Quelles sont les études à suivre pour en arriver là ?
Cécile Giornelli : en France, pour être diététicien, c’est principalement le BTS diététique. On peut ensuite compléter ses connaissances via des bachelors ou des diplômes universitaires. Cependant, pour apprendre et comprendre les spécificités liées aux sports de combats, j’estime que seule l’école que j’ai créée le permet (rires !). Le constat, malgré toutes mes études « traditionnelles », est que je trouvais justement que la maîtrise de l’alimentation de ces sports était manquante.
Généralement, en nutrition sportive, on étudie plutôt les sports d’endurance, comme le cyclisme, le marathon, ou encore les sports de force. Les sports de combat sont très peu abordés, et lorsqu’ils le sont, ce n’est que d’une façon très théorique. Très loin de la réalité et des pratiques des athlètes. Pratiques parfois très controversées et qui, mal exécutées, peuvent conduire à des méthodes dangereuses. À mon sens, c’est une vraie lacune, d’où la création de cette école. On reprend donc lesdites méthodes, mais en y apportant des protocoles précis de performance.
Quant aux diplômes en préparation physique, il y a différents degrés. Vous avez des BP en 1 an, mais aussi des équivalents de BAC+2, BAC+5, etc. Tout dépend du niveau de la personne et de sa capacité à être dans des études dites « à la française ». C’est-à-dire très scolaires.
« J’ai commencé les sports de combat à 5 ans. Je suis tombée dans la soupe petite avec mon papa qui était prof de karaté. J’ai été (à l’époque, rires !), la plus jeune 3ème dan de France, homme comme femme. J’ai également pratiqué 15 ans de compétition, bien que je ne fusse que très moyenne. Ma pratique du karaté a duré plus de 20 ans. Par la suite, j’ai fait du krav-maga, de la boxe pied-poing, et du MMA. »
FDS : Qu’est-ce qui vous a plu dans ce métier ? Pourquoi cette spécialité ?
Cécile Giornelli : quand j’y repense, au départ, la nutrition n’était pas du tout ce que je voulais faire. Ma reconversion professionnelle se voulait exclusivement dans le sport. Cela peut surprendre mais il y a une dizaine d’années, je faisais un stage en Israël avec mon club de Krav Maga (une discipline israélienne). Nous sommes dans le bus et je vois un coach exercer son métier dans un sublime jardin. À cette époque, j’aimais mon métier d’ingénieure d’affaires, mais je ressentais un manque de liberté concernant mon emploi du temps, et ce bien que je gérais mes rdv et étais autonome. Allez savoir pourquoi, voir ce coach m’a renvoyé un profond sentiment de liberté et je me suis dit « ça à l’air sympa, pourquoi pas moi ? ». Oui je suis un brin impulsive et spontanée !
À partir du moment où j’ai eu cette idée en tête, elle ne m’a plus quittée. La graine a ainsi germé et, quelques mois plus tard, j’ai osé en parler à mon entourage. Tous m’ont dit : « mais Cécile, c’est évident, ce métier t’irait trop bien ! ». Vis-à-vis de ça je me suis dit que j’allais entamer une reconversion via un projet individuel de formation. Je restais néanmoins très ancrée dans la réalité. Bien que cela ait pu sembler être un coup de tête, j’avais totalement assuré mes arrières puisque je pouvais retrouver mes fonctions professionnelles à tout moment (ou ses équivalences) dès la fin de la formation.
À cette période, je vais bientôt fêter mes 30 ans. Je n’ai pas encore d’enfant mais le projet commence lui aussi à germer. Alors je me suis dit « il faut que tu trouves une option lorsque tu seras enceinte », en effet je ne me voyais pas en leggin à faire des squats avec mon gros bidon (ce qui, pour le coup, j’ai finalement fait !). C’est pourquoi je me suis mise à chercher une autre corde à mon arc, et cela a été la nutrition. Au final, ce n’est pas un domaine qui m’a initialement appelée. En revanche, à partir du moment où j’ai mis mon nez dedans, j’en ai été mordue !
« J’ai immédiatement été fascinée par le corps humain que je ne connaissais pas plus que ça. Fascinée de découvrir à quel point notre organisme était autant millimétré. »
Pour les sports de combat, là encore cela s’est fait tout seul du fait que j’étais compétitrice et que je côtoyais encore des compétiteurs. Idem, concours de circonstance, je souhaite tester une nouvelle discipline de combat et m’inscris par pur hasard dans une salle à proximité de chez moi. Il s’avère que de nombreux athlètes de haut niveau y évoluent. Un de ces athlètes sait que je viens d’obtenir mon diplôme en nutrition. Par solidarité (dans nos disciplines, nous sommes seuls, donc l’entraide et le soutien mutuel font souvent légion), il me met en lumière lors de son entrée à l’UFC (la plus grande organisation mondiale de MMA).
À l’époque je ne me sentais absolument pas légitime, je souffrais d’un gros symptôme de l’imposteur. En effet, j’étais à peine diplômée, aucune expérience en nutrition ou dans le haut niveau, de surcroit femme dans ce milieu où des hommes exerçaient depuis des années. J’ai toutefois accepté la perche qui m’était tendue. Et, pour le remercier, je lui ai offert mes prestations, un échange de bons procédés en sorte. C’est ainsi que j’ai démarré.
« Parfois les astres s’alignent dans la vie ; c’est comme si je n’avais rien demandé. Je veux juste être une petite coach et on me demande d’ajouter la nutrition, hop j’ajoute la nutrition et ça me plait ! Je mets un pied dans une salle, hop il y a des athlètes ! J’encadre un de ces athlètes, hop il parle de moi : effet boule de neige ! En peu de temps on m’appelle la nutritionniste des champions. »
Ensuite, lorsque j’ai compris que la nutrition était là où je devais aller car j’aimais ça et parce qu’à l’évidence, j’étais douée. Alors, j ’ai doublement travaillé pour. Je reconnais toutefois que c’est plus venu à moi que le contraire.
FDS : Comment faites-vous pour trouver vos clients, vous faire connaître ?
Cécile Giornelli : Pendant des années j’ai eu un compte Instagram qui présentait mon quotidien en salle de sport. La différence c’est que je n’y montrais pas uniquement les élèves que j’entrainais. J’y expliquais les spécificités d’exercices, et ce selon les besoins spécifiques de chacun de mes élèves (réathlétisation, passages de concours, défis personnels, etc.). Très souvent je démontrais pourquoi « on fait tel exercice pour venir soulager ça, pour mettre telle contrainte à tel endroit ». Je donnais beaucoup d’infos avec une vraie argumentation et justification. C’était donc un cours pour mon élève, mais également un cours pour les followers qui apprenaient déjà des astuces du métier. Je crois que j’aimais déjà transmettre.
J’étais pas mal suivie par des coachs, des futurs coachs, des athlètes, ou bien des personnes lambda qui restituaient le cours chez eux. J’avais donc une première cible sur la partie coaching. Concernant la partie nutrition, puisque je prenais en charge de nombreux athlètes. Ces derniers vantaient mon travail via leurs propres réseaux. Je me suis donc doublement faite connaître comme ça !
Seulement gérer les réseaux devenait trop chronophage, et constituait presque mon 1er métier, au détriment de mes « vrais » métiers et de ma vie de maman. J’ai alors voulu me recentrer sur ce qui me faisait réellement vibrer et ai décidé de supprimer mon compte (15k abonnés). Depuis le covid j’ai pris le pari de continuer à l’ancienne, c’est-à dire uniquement via le bouche à oreille, et cela continue de fonctionner pour moi.
FDS : Quel type de clients recevez-vous généralement ?
Cécile Giornelli : Dans la mesure où aujourd’hui je n’exerce plus que la nutrition, je reçois essentiellement des sportifs amateurs et de haut niveau. 95% des personnes que je reçois sont des personnes issues des sports de combat. Le reste sont des personnes qui pratiquent au moins un peu de remise en forme (même si c’est 1h ou 2 par jour). Il est rare que ce soit des personnes totalement sédentaires.
FDS : Faut-il être sportif pour faire ce genre de métier ?
Cécile Giornelli : C’est mon paradoxe depuis le confinement car je ne pratique plus autant qu’avant mais oui ! c’est mieux !
Il me semble indispensable de connaître un minimum les logiques internes des disciplines, les qualités physiques requises, les règlements, etc.
Un ancien athlète de haut niveau fait-il un bon entraîneur ? : pas forcément ! On constate tout de même que les meilleurs entraîneurs sont ceux qui ont un parcours dans le sport (que ça soit dans le haut niveau ou non). Ils détiennent en plus de la formation théorique une réelle expérience terrain. Cette expérience va conférer de la légitimité et de la crédibilité à l’entraîneur ou toute personne du staff. L’athlète va se sentir compris, et montrera plus de respect.
Il est évident que si on demande des choses à des personnes qu’on n’a soi-même jamais testées, c’est complexe ! Je ne vais pas vous mentir, je n’ai jamais connu des régimes aussi restrictifs que ceux des athlètes avec lesquels je collabore car je n’ai pas touché le si haut niveau. Mais du fait que je vienne des sports de combat, que j’ai moi aussi connu la compétition, ils savent que je parle en connaissance de cause. Je parle le même langage qu’eux, ils constatent immédiatement que je maîtrise le sujet.
FDS : Un/Des conseil(s) aux femmes qui voudraient elles aussi se lancer dans ce métier ?
Cécile Giornelli : Je dirais qu’il y en a 2 : Lorsqu’on est dans le haut niveau il faut comprendre que tous les athlètes sont légitimes pour gagner, tous sont très forts. La victoire se joue parfois à un détail très mince. Ils vont – et c’est normal – toujours chercher « le petit truc » qui les mèneront vers la victoire. Bien qu’on fasse ses preuves, leur apportent des résultats, certains sont très changeants envers leur staff. Il ne faut pas croire que parce que l’on fait une, deux voire trois saisons avec eux, même avec brio, qu’ils feront toute leur carrière avec nous. Il est important de se remettre en question, mais aussi de ne pas prendre les choses trop personnellement, car il n’y a pas toujours de fidélité dans le sport de haut niveau.
Le second conseil est plutôt propre aux femmes qui évoluent dans ce milieu. Si on est féministe, avec une approche un peu vindicative, cela a du mal passer. On reste dans un milieu d’hommes. Les mentalités changent, certains sont ouverts, mais ça n’est pas le cas pour tout le monde. Cela prend du temps, et le féminisme peut faire peur.
Ainsi, aborder des problématiques liées aux femmes (je pense au cycle menstruel notamment, largement sous-estimé), nécessite énormément de pédagogie, pour fédérer le staff masculin plutôt que de le pointer du doigt. Rappelons que le combat est un milieu où l’égo prédomine. Il faut être le ou la dominante. Si l’on se sent menacé, alors on écarte la menace, c’est pourquoi il est important de rester à sa place. A contrario, si l’on se montre trop sympa, trop souriante, malheureusement on peut encore se faire traiter de « femme facile ». C’est donc un mécanisme délicat qu’il faut ajuster.
« Il faut soigner l’image, le discours : qu’il n’y ait aucune ambivalence possible sans pour autant être trop féministe. C’est un équilibre très fin à trouver ! »
FDS : Où et comment vous joindre pour une consultation ?
Cécile Giornelli : pour une prise en charge individuelle, vous me trouvez via mon site internet (www.cecilegiornelli.com). Pour bénéficier de mes connaissances, alors c’est mon école de formation ! (@fight.nutrition.academy sur Instagram)
« La transmission est vraiment importante à mes yeux. Il y a tellement de légendes en nutrition et en nutrition des sports de combat contre lesquelles nous luttons encore chaque jour : il faut comprendre la logique interne de tout ce qui est proposé. La nutrition est un pilier à part entière de la performance. »
FDS : Le mot de la fin ?
Cécile Giornelli : « Qui ne tente rien n’a rien » : très souvent, je doute de moi, et j’oublie le parcours que j’ai. Lorsque je parviens à me remobiliser, je réalise que non ce n’est pas anodin de reprendre ses études à 30 ans, d’être non-stop dans les bouquins et en salle de sport pendant plus de 2 ans, de sacrifier énormément de soi, notamment au niveau personnel… Ce n’est pas toujours facile, mais j’essaie d’en tirer une grande force.
Si je n’avais pas osé me poser la question « est-ce que je suis bien dans mon boulot ? », si je n’avais pas osé autant investir sur moi, sur une partie de ma vie, si je n’avais pas osé pousser la porte d’une nouvelle salle pour changer de discipline, si je n’avais pas osé prendre en charge des athlètes, me faire confiance, lancer mon école… Alors je n’aurais rien fait de tout ceci et ne serais pas là à vous répondre.
Ce que je retiens, c’est ce que j’enseigne à ma petite fille « Essaie ! Si ça ne marche pas tant pis, mais au moins, essaie ». J’aurais désormais une histoire à lui raconter, des valeurs à lui transmettre, et si elle le souhaite, un modèle à suivre. Tout ceci ne sont pas que des rêves ou de belles idées. Non, ces mots, tâchons de les transformer en actes, car nous avons tous une force et des ressources incroyables. C’est simplement que parfois nous n’osons simplement pas les transcender. Et c’est ça qui est le plus important à mes yeux aujourd’hui.
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