Femme de sport: Peux-tu te présenter ?
Mélanie Charbonnier : Mélanie Charbonnier, 28 ans, Parisienne d’origine installée sur la Côte d’Azur entre Nice et Monaco. Depuis toute petite, le sport façonne ma vie – de compétitrice en tennis dans ma jeunesse à l’accomplissement spontané du trek de l’Everest,décidé en seulement trois jours. Après une carrière en conseil à Lyon, j’ai suivi mon instinct pour une aventure : 3 mois et demi en solo à travers l’Asie du Sud-Est, suivis d’un road trip de 2 mois en van avec ma sœur en Nouvelle-Zélande et Australie. Aujourd’hui, je suis d’ailleurs en train d’écrire un roman sur cette aventure dans les montagnes himalayennes, j’ai déjà sorti un livre de développement personnel qui s’appelle “Tout ne dépend que de toi” et je suis à mon compte en management de projets dans le bien-être et le développement personnel.
Femme de sport: Qu’est ce qui t’a poussé à réaliser ce défi ?
Mélanie Charbonnier : J’étais dans un cabinet de conseil à Lyon et j’ai ressenti après 2 ans et demi que j’avais besoin de prendre l’air et de me retrouver seule, parce qu’à un moment je me suis vraiment dit “ok là ça ne va pas” – il y avait comme un vide qui s’installait en moi. Donc j’ai décidé de partir visiter l’Asie du Sud-Est seule, en me disant que j’allais faire de belles rencontres et que je trouverais ce dont j’ai besoin, mais à mi-parcours, je me suis rendue compte que mon voyage perdait de son sens. En fait, le problème n’était pas le lieu où je me trouvais, ce vide reste peu importe où tu te trouves dans le monde. Mon ancien directeur me l’avait dit: « l’important c’est d’être bien au fond de soi, peu importe où tu seras dans le monde ».
Dans cette période où même le sport – pourtant pilier de ma vie – ne faisait plus écho, j’ai eu un gros déclic. Inspirée par « Kilomètre 0 » de Maud Ankaoua, j’ai pris une décision radicale. En 72 heures, je suis passée des emails de contact à un siège d’avion. Je n’ai rien calculé, ce sont mes doigts qui tapaient pour moi, j’étais très claire dans ma tête sur ma décision de faire cette aventure, je savais que je devais changer de direction.

Femme de sport : Comment as-tu préparé ton corps et ton esprit avant de partir ? Quels types d’entraînement as-tu suivi avant de partir ?
Mélanie Charbonnier: De base, j’avais prévu de faire l’Annapurna, mais l’organisateur m’a posé trois questions essentielles : « Es-tu prête physiquement ? » (Oui, mais j’ai menti, e n’avais pas fait de sport depuis plusieurs mois) »As-tu déjà pratiqué du trekking ? » (Oui, mais seulement une fois 2j dans les Alpes Françaises) « Es-tu motivée ? » (Un grand oui) Sa réponse fut simple : « OK, fais celui de l’Everest alors. » Je lui demandé pourquoi il m’a dit “fais-moi confiance, c’est une aventure qui va changer ta vie”. Sans trop réfléchir, je lui ai fait confiance et j’ai accepté. A ce moment-là, j’avais uniquement 14 jours devant moi, donc aucune préparation mentale ni physique.
Mon passé de tenniswoman m’a servi de base, j’ai acheté des vêtements à mon arrivée à 00h et à 4h du matin j’étais partie pour l’aventure. J’ai rencontré mon premier guide, qui selon moi, manquait d’expertise notamment en termes de nutrition et d’hydratation, puis j’ai rencontré mon deuxième sherpa qui a vraiment changé mon aventure.
Femme de sport : Quelles sont les pensées qui te traversent l’esprit au moment où tu atteins cette étape ?
Mélanie Charbonnier : Le premier jour, l’excitation est au rendez-vous puis ensuite vient la réalité d’un départ en trek dans les montagnes himalayennes sans préparation. Dans ces moments-là, j’observe et j’écoute beaucoup ce qu’il se passe autour de moi pour avancer et en ressortir le meilleur. 2 conseils m’ont été donnés : respirer profondément et maintenir une hydratation de 4-5L par jour.
Pour en revenir aux pensées, les premiers jours c’était mentalement assez dur, c’était assez négatif surtout dans les montées. La digestion était super difficile également. Puis en observant les autres, mon esprit compétitif et ma force ont refait surface et ça m’a poussé à continuer. J’ai commencé à écouter mon corps et non mon mental, et des mantras “trust your way” “never give up” sont venus remplacés les peurs, ce qui m’a porté pendant les ascensions difficiles jusqu’à la fin. Cette expérience m’a appris une belle leçon : avec une énergie positive, tu peux accomplir beaucoup de choses.
Femme de sport : Y a-t-il eu un moment où tu as eu envie de renoncer ? Si oui, qu’est-ce qui t’a poussé à continuer ?
Mélanie Charbonnier : Je me souviendrai toujours d’une ascension, juste avant le changement de guide. J’avais tellement mal au ventre que je manquais d’énergie, et j’étais seule. A ce moment-là, je peux dire que la force je suis allée la chercher vraiment au fond de moi, forcément la pensée : « Ce n’est pas possible, j’arrête.” m’est venu en tête. J’ai viterepris mes esprits et continué, en me disant que demain serait mieux. C’est juste après ce moment que mon premier guide est arrivé, m’annonçant qu’il était trop malade pour continuer. Un autre guide est alors venu à ma rencontre, et cet homme, je ne l’oublierai jamais, je ne le remercierai jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour moi.
Femme de sport : Qu’as-tu appris sur toi-même lors de l’ascension qui n’aurait pu être appris dans aucune autre situation ?
Mélanie Charbonnier: Quitter mon poste de consultante soulevait forcément des doutes, mais l’Everest m’a révélé l’immense potentiel qu’on a tous en nous. J’ai aussi appris à écouter mon intuition, par exemple, à 5000 mètres. Une voix m’est apparue “Mélanie ne dors pas plus haut”. J’ai décidé de l’écouter et de me faire confiance, pourtant j’allais vraiment bien physiquement et mentalement, rien ne disait qu’il ne fallait pas que je dorme plus haut.
Mon guide a eu la même intuition et en allant lui soumettre l’idée, il m’a devancé et proposé de rester dans ce lodge à 5 000 m et non à 5 140m. J’ai aussi compris l’importance de suivre ses objectifs et de ne pas se laisser distraire. J’ai naturellement commencé à visualiser et à ressentir mon objectif d’atteindre le base camp en forme. Tout ça, c’était une question de préparation mentale, de gestion de son énergie & de maitrise de la respiration.
Femme de sport : As-tu fait des rencontres bouleversantes ?
Mélanie Charbonnier: La rencontre avec mon sherpa évidemment, dont je parle longuement dans mon livre, a été déterminante pour ce trek mais aussi pour la continuité de ma vie. Trois autres rencontres ont marqué mon parcours : un groupe d’Indiens rayonnant de bienveillance et d’amour, une dame à Namche Bazar qui m’a mise en garde sur la préservation de son énergie – un conseil qui m’a d’abord effrayée puis guidée – et des Coréens qui m’ont partagé leur expertise sur l’alimentation tout en valorisant mon courage d’entreprendre ce type de voyage seule. Ces rencontres m’ont enseigné que parfois, un simple échange peut transformer une journée entière et que des visages resteront gravés dans ta mémoire.

Femme de sport : Financer un projet comme celui-ci nécessite des ressources. Commentas-tu financé ton trek ?
Mélanie Charbonnier : Effectivement l’ascension de l’Everest requiert des ressources considérables, rien que 10 000 euros le ticket d’entrée au camp de base. Concernant mon trek, ça reste un investissement mais c’est beaucoup plus accessible : 2 300-2 500 euros financé par mes économies. Ma plus grosse dépense ? L’eau, n’ayant pas prévu de système de filtration dans ma décision spontanée. Cette aventure prouve qu’il existe des façons abordables d’explorer l’Everest, même si atteindre le sommet nécessite sponsors et financements spécifiques.
Femme de sport : Quels sont tes projets à venir après cette ascension ?
Mélanie Charbonnier : Je ne me suis pas forcément fixée comme objectif de gravir l’Everest un jour. Je sais que je pourrais me convaincre de le faire, mais je ne veux pas me mettre cette pression. Si cela devait arriver un jour, je me préparerais en amont cette fois. Dès que j’en ai l’occasion, je pars en randonnée et le sport est ancré dans mon quotidien. L’Everest m’a apporté une transformation mentale et physique. J’ai un prochain objectif sportif qui est de me remettre à la compétition tennistique, je vais d’ailleurs être entrainée pendant 1 semaine par Toni Nadal à la Rafa Nadal Academy la semaine prochaine.
Concernant les montagnes himalayennes, mon véritable rêve et objectif resteront de revoir mon guide, mon Sherpa et donc de repartir en trek avec lui. Je suis déjà en contact avec l’organisme Scenic Nepal Trek pour organiser cela. J’ai quitté ce Sherpa trop rapidement, et je sens que je dois le revoir, rien que pour lui redire merci.
Femme de sport : L’alimentation est-elle importante ?
Mélanie Charbonnier : L’alimentation était simple mais stratégique dès que j’ai trouvé ce qui me donnait de l’énergie : chapati beurré et café le matin, légumes et riz au curry, complétés par des barres de céréales. Et mon sherpa me disait souvent « Rice = strong woman », un homme de montagne dont je suivais les conseils, il savait ce qu’il disait. J’ai vite compris que la légèreté digestive était cruciale : une digestion efficace permet au corps d’optimiser chaque apport – nourriture, eau, oxygène. Cette harmonie entre corps et esprit crée une sensation d’élévation unique.

Femme de sport : Qu’est-ce qu’ont pensé de tes proches de cette ascension ?
Mélanie Charbonnier : L’annonce de mon départ a été chargée d’émotion – à l’aéroport je pleurais sans même savoir pourquoi, eux aussi.J’avais fait le choix de limiter les communications pendant le trek, voulant vivre cette expérience pleinement pour moi, partageant uniquement quelques vidéos Snapchat à ma famille. À 5000m, je leur ai envoyé un bref message pour les rassurer, puis pour l’annonce de ma réussite au camp de base. C’est à mon retour, un mois et demi plus tard, que j’ai mesuré leur inquiétude, mes parents m’ont avoué leurs nuits blanches, et le silence entre eux qui régnait à la maison pendant ces 10 jours. Et mon frère et ma sœur, eux, ne se sont pas trop inquiétés.
Femme de sport : Quel conseil donnerais-tu à ceux qui rêvent de relever ce défi ou d’autres treks extrêmes ?
Mélanie Charbonnier : Selon moi, la clé du succès n’était pas dans la sur-planification.L’entraînement physique et mental est crucial, mais trop réfléchir laisse place aux doutes. La montagne m’a appris que la réalité est souvent plus clémente que nos appréhensions. La méditation, la respiration, l’hydratation et la conviction sont essentiels. Selon moi, la réussite vient de son alignement et bien-être intérieur.
Femme de sport : Le mot de la fin ?
Mélanie Charbonnier : Mon mot de la fin : Croyez en vos rêves, travaillez dur pour les atteindre, et rappelez-vous que l’avenir est incertain. Croyez en vos capacités, chacun de nous possède un potentiel énorme. Parfois, il suffit juste de le débloquer et de se pousser un peu plus loin pour y arriver.
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