Femme de sport a eu le plaisir de pouvoir discuter avec Coralie Gassama, ancienne sportive de haut niveau et fondatrice de l’entreprise KEYENA.
Femme de Sport : Peux-tu te présenter ?
Coralie Gassama : Je suis Coralie Gassama, j’ai 27 ans. Je suis originaire de Normandie, de la ville d’Évreux. Cela fait maintenant 10 ans que je vis à Lyon. Je suis venue à Lyon pour ma carrière d’athlète de haut niveau et je continue toujours de vivre ici.
Femme de Sport : Peux-tu nous parler un peu plus de ton parcours sportif ?
Coralie Gassama : J’ai pratiqué énormément de sport depuis que je suis toute petite, à partir de mes 8 ans. J’ai commencé l’athlétisme et la gymnastique en parallèle. J’ai pratiqué ces deux sports pendant 10 ans. J’étais plus passionnée par la gymnastique que par l’athlétisme. Je préférais les entraînements à l’intérieur avec mes amies et j’allais peu aux entraînements d’athlétisme. Pourtant, je réussissais très bien aux compétitions et obtenais de bons résultats sans réellement m’entraîner pour l’athlétisme. À partir de mes 15 ans, j’ai participé à ma première compétition de sélection pour un championnat international jeune.
En 2013, j’ai été sélectionnée pour le festival olympique de la jeunesse aux Pays-Bas, pour mon premier meeting international en équipe de France dans la discipline du 400 mètres. Puis, chaque année, je me suis qualifiée pour d’autres compétitions internationales : championnat d’Europe, Jeux Olympiques de la jeunesse, championnat du monde, et plusieurs autres meetings internationaux où j’ai représenté l’équipe de France.
Femme de Sport :Tu t’es donc davantage concentré sur l’athlétisme, tandis que la gymnastique était plutôt un loisir pour toi ?
Coralie Gassama : Les deux étaient un loisir. Mais à partir de mes 15 ans, j’ai constaté qu’avec très peu d’entraînement, je pouvais tout de même prétendre à une sélection en équipe de France en athlétisme. En revanche, en gymnastique, je m’entraînais trois fois plus, 10 heures par semaine contre 2 heures pour l’athlétisme. Après deux sélections en équipe de France, à 18 ans, j’ai décidé de me consacrer davantage à l’athlétisme. La gymnastique avait un très bon niveau à Évreux, mais je n’étais pas suffisamment au niveau pour atteindre le haut niveau.
Femme de Sport : Maintenant tu es entrepreneuse, qu’est-ce qui t’a poussé à créer ta marque ?
Coralie Gassama : Ce qui m’a poussée à créer la marque, c’est de répondre à une problématique que je rencontrais personnellement. Lors de mon parcours STAPS à l’université de Lyon, nous avons eu un cours sur l’entrepreneuriat. J’ai donc découvert ce qu’était l’entrepreneuriat et comment développer une idée. C’est là que j’ai décidé de travailler sur une sur-semelle pour les chaussures d’athlétisme. J’en avais déjà discuté avec des amis, et moi-même, je souffrais de devoir marcher avec des pointes d’athlétisme en dehors de la piste. Ces chaussures se détérioraient vite, ce qui créait de nombreux désagréments. J’ai donc cherché une solution pour répondre à cette problématique, qui touchait non seulement moi, mais aussi d’autres athlètes.
Femme de Sport : Est-ce que Keyena, a une histoire, une anecdote particulière liée à sa conception que tu aimerais partager ?
Coralie Gassama : Il n’y a pas vraiment d’anecdote spécifique à la conception du produit, car je savais exactement ce que je voulais créer pour les athlètes. Cependant, l’histoire du nom de la marque a été un peu plus complexe. Au début, j’ai fait un brainstorming avec des amis pour trouver un nom pour la société, mais c’était difficile. Finalement, je me suis tournée vers le mot “Keyena”, qui signifie “pourquoi pas” en wolof, un dialecte sénégalais, car cela reflétait mon état d’esprit à l’époque : oser, se lancer dans l’inconnu. Et puis, ce nom fait écho à mes origines franco-sénégalaises. Au moment où j’ai développé KEYENA, c’était ma première fois au Sénégal. J’étais heureuse de découvrir mes racines et de gérer les débuts de mon entreprise.
Femme de Sport : Et si Keyena était une personne comment la décrirais-tu en trois mots ?
Coralie Gassama : Je vois KEYENA comme féminine, déterminée et élégante. Même si je suis une femme, cela va au-delà de ce fait. KEYENA incarne une personne qui sait ce qu’elle veut et qui met en avant son meilleur côté. Elle cherche à montrer de la valeur, c’est une marque de qualité, haut de gamme, et elle s’efforce toujours de présenter son meilleur visage pour convaincre.
Femme de Sport Y a t-il eu un moment décisif dans ta carrière sportive qui a façonné ta vision de l’entrepreneuriat ?
Coralie Gassama : Il y en a eu plusieurs, mais je dirais que ce qui représente le plus ma vision de l’entrepreneuriat, c’est la capacité de rebondir après un échec. L’un de mes plus grands échecs a été lorsque, arrivée à Lyon, après ma première année, je me sentais plus forte. Mais lors des sélections pour les championnats de France, j’ai échoué et je n’ai pas été retenue pour l’équipe de France. C’était une douleur immense, mais je me suis rapidement rappelée pourquoi je faisais tout ça. Ce genre d’échec m’a appris qu’il faut rebondir rapidement, apprendre de ses erreurs, et se remettre en marche. C’est ça, l’entrepreneuriat : gérer des échecs, se relever, et continuer à avancer.
Femme de Sport : Quel a été le plus grand risque que tu as pris au cours de ton parcours et quelles leçons en as-tu tirées ?
Coralie Gassama : J’essaie de mesurer au maximum les risques, mais le plus grand a été lorsque j’ai décidé de demander un prêt étudiant. Ce prêt ne servait pas à financer mes études, mais bien à financer les débuts de mon entreprise. Étant d’un milieu modeste, c’était un vrai risque, mais ma mère m’a soutenue. Cela m’a appris à avoir confiance dans mes projets et à me lancer, même quand les risques sont élevés. Il y a eu des moments où la trésorerie de l’entreprise était très tendue, à deux doigts de la faillite. Ces moments sont très durs, mais c’est aussi ce qui fait la force de l’entrepreneuriat : persévérer malgré les difficultés.
Femme de Sport : Si tu pouvais donner un conseil à ton toi jeune avant de commencer la compétition dans ton parcours sportif ou dans l’entrepreneuriat, qu’est-ce que tu lui dirais ?
Coralie Gassama : Que ce soit dans le sport ou dans l’entrepreneuriat, il est primordial d’être animé par la volonté d’apprendre et de progresser. L’athlétisme m’a permis de nourrir ma passion, d’évoluer et de vivre des expériences uniques avec mon entourage. En entrepreneuriat, ce n’est pas seulement le produit que je crée qui me motive, mais l’apprentissage continu, le processus et la gestion de mon entreprise. Peu importe les obstacles, il faut toujours trouver sa motivation dans ce que l’on accomplit.
Femme de Sport : Quelle a été ta plus grande fierté dans ton parcours jusqu’à présent ?
Coralie Gassama : Ma plus grande fierté est d’avoir placé mon produit chez les plus grands noms du secteur, comme les meilleurs revendeurs européens. Depuis 2022, j’équipe chaque année l’équipe de France. Ce qui me rend aussi fière, c’est la construction de mon équipe. Créer de la valeur économique et sociale, générer des emplois et voir l’évolution des personnes autour de moi, c’est une source de fierté immense..
Femme de Sport : Peux-tu citer quelques noms des revendeurs avec qui vous travaillez ?
Coralie Gassama : En France, nous travaillons avec Iron Alltricks, le plus grand revendeur de running et de cyclisme. En Europe, nous avons Top for Running et Pro Direct au Royaume-Uni. Nous venons de signer avec Running Warehouse, le plus grand revendeur américain.
Femme de sport : As tu un mentor ?
Coralie Gassama : Depuis mon enfance, je n’ai pas de modèle particulier. Je puise une grande inspiration dans ma sœur, qui a une vision très claire de la vie professionnelle. J’ai aussi la chance d’être entourée de deux consultants dans le domaine du sport, avec des carrières exceptionnelles, qui m’inspirent chaque jour.
Femme de Sport : Comment juges-tu la place de la femme dans le monde de l’entrepreneuriat et en particulier dans la sport tech ?
Coralie Gassama : Le bilan est assez décevant. Il y a peu de femmes entrepreneuses, surtout dans la durée. Les femmes investisseuses sont aussi très rares. Les plateformes telles qu’Angel List ou Kickstarter sont dominées par des hommes, ce qui pose un vrai problème d’équité. Dans la sport tech, c’est encore plus difficile. Mais au fil du temps, des femmes entrepreneuses prennent de plus en plus de place, notamment grâce à des mentors qui les aident à se faire connaître. Toutefois, l’industrie reste encore très masculine, même si elle devient de plus en plus inclusive. Les entreprises dirigées par des femmes génèrent en moyenne plus de revenus que celles dirigées par des hommes, mais on perçoit souvent la femme comme un investisseur ou une entrepreneuse moins fiable.
Pour la Sport Tech, je vais parler de mon expérience. Je fais partie d’un sport qui est très paritaire. Depuis que je suis jeune, je m’entraîne avec autant de femme que d’homme. L’athlétisme c’est quasiment 48-52% en termes de licenciés. C’est un sport où on est mélangé et qui a une certaine parité. Maintenant dans le sport business, je sens encore qu’il y a énormément d’hommes. L’aspect tech est très entrepris par les hommes plus que les femmes. Les femmes vont plus aller sur des sujets de bien-être, d’environnement, d’écoconception. Le sport tech est encore un milieu très masculin à mon sens.
Femme de Sport :Quels sont tes projets pour l’avenir ?
Coralie Gassama : Aujourd’hui, ma vision pour Keyena est de faire de la marque la référence en matière de protection pour les chaussures de sport. Mon objectif est de démontrer qu’il est possible de créer un modèle économique viable et de se développer sur un marché de niche, même si celui-ci est restreint. À titre personnel, j’espère pouvoir explorer de nouveaux horizons au-delà de Keyena. J’ai à cœur de m’investir dans d’autres projets. Mon ambition est de développer une entreprise stable, pérenne, et de contribuer à la création de valeur économique et sociale. J’aimerais également internationaliser la société, vivre à l’étranger, et y implanter mon entreprise et/ou mes produits. C’est un rêve que je nourris profondément.
Femme de Sport :As-tu d’autres projets d’entreprises en tête ?
Coralie Gassama : Ce ne sera pas nécessairement dans l’innovation. Depuis toujours, j’ai une vraie passion pour l’événementiel. J’adore l’organisation, la gestion de projets. Un jour, en vacances, j’ai eu l’opportunité de bénéficier des services d’une conciergerie, et j’ai trouvé cette expérience exceptionnelle. Cela m’a vraiment fait me sentir bien en tant que touriste. À partir de ce moment, je me suis dit qu’un jour, j’aimerais créer une conciergerie. C’est quelque chose qui me tente beaucoup, tout comme l’idée de posséder un restaurant, par exemple.
Femme de Sport :Le petit mot de la fin?
Coralie Gassama: Ce serait de motiver les personnes à entreprendre par passion et de surtout garder en tête leurs objectifs et les raisons pour lesquelles on fait ce métier.
Merci à Coralie Gassama pour cette rencontre inspirante, nous lui souhaitons le meilleur pour la suite et l’encourageons dans le développement de Keyena ! Et si vous souhaitez embarquer dans l’aventure avec elle, nous vous invitons à la contacter !
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