Femme de sport vous propose aujourd’hui de partir à la rencontre de Isaline Sager Weider, volleyeuse française. En pleine préparation pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, Isaline a pris le temps de nous partager sa passion au travers de cette interview.
1- Peux-tu te présenter en quelques mots ?
ISALINE SAGER WEIDER – Je m’appelle Isaline Sager Weider, je suis alsacienne et je suis née à Colmar. Je suis volleyeuse professionnelle depuis 16 ans et j’ai commencé le volley à haut niveau à l’âge de 15 ans. J’ai bientôt 35 ans et au niveau de mon caractère je dirais que je suis plutôt de nature très spontanée. Je déteste l’injustice et je suis plutôt quelqu’un de jovial, cela se ressent souvent sur le terrain.
2- Comment as-tu commencé le volley-ball ?
ISALINE SAGER WEIDER -J’ai commencé le volley-ball parce que le pôle espoir de Mulhouse qui n’est pas très loin du village où j’ai grandi avait ouvert. Et ma maman qui était une ancienne volleyeuse m’a poussée à passer les tests d’entrée. J’y suis allée et j’étais très nulle par rapport à toutes les filles qui jouaient déjà depuis 10 ans. Mais ils m’ont offert l’opportunité de rejoindre ce pôle espoir. Je me suis dit pourquoi pas même si j’avais un peu du mal à me dire que j’allais quitter mon village et ma famille. Je me suis rapidement fait de super amis. Les années à l’internat ont été parmi les plus belles de ma vie. Cela m’a vraiment forgé
e et c’était quelque chose de superbement intense.
3- À quel moment on sent qu’on peut être une championne dans sa discipline ?
ISALINE SAGER WEIDER -Le moment décisif où j’ai réalisé que je pouvais être une championne dans ma discipline a été lorsque j’ai compris que je pouvais en faire mon métier. Après avoir obtenu mon master en STAPS, j’étais prédestinée à être professeur de sport pour les personnes en situation de handicap. Cependant, en voyant mes collègues universitaires lutter pour trouver un emploi, j’ai saisi l’opportunité d’un contrat professionnel dans le volley. Mes parents ont également soutenu ma décision. Depuis mes 22 ans, je me consacre entièrement à ma carrière sportive, même si au départ j’ai mis un peu de temps à m’adapter à ce nouveau rythme: entraînement, repas, dodo. J’ai ressenti que le fait d’avoir des feuilles de paie légitimait ma décision de devenir une athlète professionnelle. Bien que j’aie eu des doutes initiaux, j’ai intensifié mon entraînement pour combler le retard par rapport à mes pairs qui avaient déjà arrêté leurs études. Après une période d’adaptation, après avoir jonglé entre mes études et ma carrière sportive, le rythme était devenu plus simple . Depuis lors, je me concentre exclusivement sur ma carrière de joueuse professionnelle de volley, tout en m’impliquant dans des projets de club, en entraînant des jeunes ou du volley adapté et évidemment en essayant de prendre soin de ma récupération physique.
4- Quel est l’exploit dont tu es le plus fier ?
ISALINE SAGER WEIDER -L’exploit dont je suis le plus fière est d’être revenue après une blessure aux ligaments croisés à l’âge de 30 ans et d’avoir pu participer au championnat d’Europe de volley en 2021, deux ans après ma blessure. Malgré les attentes déçues en 2019, où je me suis blessée juste avant le championnat d’europe, j’ai réussi à revenir en forme et à jouer en tant que titulaire tout au long du tournoi de 2021. Nous avons même réalisé l’un des meilleurs résultats de l’équipe féminine de France de volley dans ce championnat, en atteignant les quarts de finale. Cet exploit représente un accomplissement personnel et professionnel pour moi, car il a fallu non seulement surmonter la blessure physiquement, mais aussi mentalement. Ce fut une période difficile. Mais je suis fière d’avoir réussi à me surpasser et à trouver un sens à travers mes formations de coach pendant cette période de convalescence de 11 mois, en parallèle de ma carrière sportive initiale.
5- Quel est ton meilleur souvenir sportif ?
ISALINE SAGER WEIDER -C’était avec l’équipe nationale en 2015 pour la qualification au championnat d’Europe. Nous avons renversé une situation improbable c’est-à-dire que nous avions perdu nos matchs à domicile et il fallait aller gagner 2 matchs consécutifs 3-0 pour pouvoir se qualifier pour la prochaine étape. Donc c’était quasiment infaisable. En arrivant en Israël nous avions l’impression d’être accueillis dans un centre de détention. Nous avons tous été malades avec la nourriture. C’était vraiment des conditions non optimales pour disputer un match. Finalement, nous avons réussi à le faire et nous avons gagné. C’était assez incroyable de réussir dans une telle situation. Cela prouve bien que parfois quand nous sommes face au mur nous trouvons souvent des solutions et des ressources non imaginables. C’était génial. Lors de ce tournoi, j’ai également été pour la première fois nommée capitaine de l’équipe de France sur le terrain.
6- Quel est ton graal ultime dans ta carrière de volleyeuse ?
ISALINE SAGER WEIDER -Je dirais que j’ai eu 3 différents objectifs dans ma carrière. Tout d’abord, il y avait le championnat d’Europe, nous avons réalisé une belle performance en 2021 mais je ne pouvais pas envisager de m’arrêter là. Mon objectif ultime depuis 10 ans était de remporter une médaille d’or. Et l’année dernière, nous avons réussi à obtenir la première médaille d’or de l’équipe de France féminine lors de la Golden League. Mais j’avoue que j’ai été plusieurs fois vice-championne en ligue française et j’aimerais bien monter sur la première marche de la ligue française avant la fin de ma carrière. Enfin, avec l’annonce des Jeux olympiques de Paris en 2024, je rêve de monter sur le podium olympique. Je sais que cela sera difficile, il faut y croire ! Après cela, je pourrai dire au revoir à ma carrière, car j’aurai atteint tous mes rêves.
7- Les JO en 2024, comment ça se passe ?
ISALINE SAGER WEIDER -En 2024, il y aura seulement 12 places pour 3 joueuses sur mon poste aux Jeux Olympiques. Actuellement, nous sommes 8 centrales en compétition pour ces 3 places. La sélection pour les JO se fera probablement 15 jours avant. Tout est encore incertain, et les sélections ne sont pas comme dans d’autres sports individuels. Cela peut se décider au dernier moment, car nous ne sommes jamais à l’abri de blessures ou de contre-performances. Je me prépare pour les JO, mais je ne sais même pas si j’y serai.
8- Est-ce que pour toi c’est important de pratiquer un sport collectif ?
ISALINE SAGER WEIDER -J’ai essayé des sports individuels plus jeune, c’était un échec sur la gymnastique, la première discipline, puis tous les autres m’ont plu. J’ai toujours été attirée par les sports collectifs pour les émotions que cela procure et surtout pour les échanges.
9- Est-ce que tu souhaites nous parler de ton engagement associatif ?
ISALINE SAGER WEIDER – Je suis marraine depuis 3 ans de l’association Adrien pour les enfants malades. Elle permet à des familles qui ont des enfants malades de pouvoir partir tous ensemble en vacances dans des lieux adaptés aux pathologies.
Je suis aussi très engagée dans le syndicat ProSmash des joueurs professionnels de volley-ball. J’aide les joueurs de la ligue et de la fédération de Volley pour leur contrat, s’ils ont des questions ou des problèmes d’ordre juridique notamment. Nous essayons surtout de faire évoluer les conditions des joueurs au sein de la ligue nationale de Volley-ball
J’aime aussi beaucoup le volley adapté, le volley santé. J’ai une formation de volley adapté et j’entraîne des personnes en situation de handicap, des personnes âgées, … C’est très intéressant et j’aime encore plus transmettre avec ce public.
Le bénévolat est quelque chose qui m’équilibre et qui me permet d’avoir un peu de sens sur d’autres projets. Mais tout reste lié au volley pour le moment, car c’est ce qui me passionne profondément.
J’écris aussi des chroniques, j’aime beaucoup écrire!
10- Est-ce que tu as un avis sur la place des femmes dans le sport à l’heure actuelle ?
ISALINE SAGER WEIDER – Je trouve qu’on avance vers le positif mais qu’il reste encore beaucoup de progrès à faire. Pour l’anecdote, les joueurs de volley les mieux payés au monde sont des femmes. Cependant cela concerne une minime partie des joueuses. Il y a beaucoup plus de médiatisation des hommes dans le sport et bien sûr les salaires sont radicalement différents. De plus, les entraîneurs de femmes sont quasiment tout le temps des hommes. La gente féminine est une denrée rare dans ce milieu.
11-Si le volley-ball n’existait pas, qu’aurais-tu fait ?
ISALINE SAGER WEIDER – Je serais très certainement prof d’EPS, je voulais faire ce travail dès mon plus jeune âge. J’ai fait mes études dans cet objectif. A présent, je m’orienterais plutôt vers les personnes en situation de handicap. J’ai vraiment cette envie de transmettre le sport et les valeurs qui l’accompagnent. J’ai toujours fait la petite cheffe à l’école j’aimais bien tout décider en sport. On en rigole d’ailleurs toujours avec mon amie d’enfance. J’ai bien sûr gagné en pédagogie depuis ;).
12- Le mot de la fin ?
ISALINE SAGER WEIDER – Je pense que les femmes ne doivent pas être timides pour se lancer dans le sport en général, mais également dans l’encadrement. Il faut oser aller au bout de ses rêves et aussi oser aller au-delà de ses engagements même s’il y a souvent des embuscades. Cela permet de ne rien regretter.
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@ crédit photo: Le Volleyeur Française