Femmedesport a eu la chance de rencontrer Anaëlle Pattusch, navigatrice suisse qui se prépare actuellement à la Solitaire du Figaro !
Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter ?
Je m’appelle Anaelle Pattusch, j’ai 21 ans, je suis suisse originaire de Genève. J’ai décidé de quitter la Suisse pour m’installer en Bretagne et faire de la course au large en Figaro 3.
Est-ce que tu peux nous parler un peu plus de ton parcours ?
Anaëlle Pattusch: J’ai eu la chance de grandir au bord du lac à Genève, et d’avoir des parents qui avaient un bateau sur le Lac Léman. Donc j’ai toujours été baignée dans ce milieu de la voile. Au fur et à mesure des années j’ai commencé à faire de la compétition, d’abord en club puis après pendant mes études au lycée j’ai pu partir dans l’équipe de La Fabrique d’Alain Roura. C’est comme ça que j’ai découvert le milieu de la course au large en Bretagne et à Lorient. Et c’est ainsi que j’en suis arrivée à faire mes propres projets ici, en Bretagne.
Ta passion t’est donc vraiment venue de ton enfance, grâce à tes parents;
Anaëlle Pattusch: Exactement, c’est sûr qu’en Suisse on a la chance d’avoir les montagnes et le lac. On alternait entre le ski l’hiver et l’été vacances sur le lac. Et c’est comme ça que j’ai vraiment accroché à ce sport et que je suis toujours allée plus loin. On a fait beaucoup de sport différent dans la famille, on a toujours un peu touché à tout. Et c’est ça qui est génial, de pouvoir essayer pleins de choses et de choisir ce qui me plaisait le mieux.
Quels sont tes objectifs et ambitions à l’avenir ?
Anaëlle Pattusch: Je suis passée en Figaro 3, alors mon objectif pour cet été ça va être la Solitaire du Figaro. Ça va être ma première course de ce type, et donc une grosse échéance pour moi. C’est une course mythique, et j’en rêve depuis que je suis petite. Ça va donc être l’objectif principal de cette année.
Ensuite, le but ce sera de continuer en Figaro, de continuer mes entraînements à Lorient. Puis l’année prochaine il y a la Transat Paprec en double mixte qui aura lieu. J’aimerai donc continuer en Figaro, et voir par la suite pour peut-être passer sur d’autres supports, que ce soit Class40 ou Imoca par la suite.
Est-ce que tu peux nous parler des spécificités du Figaro en lui-même, par rapport à d’autres supports ?
Anaëlle Pattusch: Ce qui est vraiment spécifique au Figaro c’est que c’est de la monotypie pure. Tous les bateaux sont exactement pareils, on a pas le droit de les changer, de faire des améliorations. Toutes les pièces qui sont cassées doivent être remplacées par exactement les mêmes pièces qu’avant. C’est pour ça que j’ai aussi choisi ce support là. Car cela nous oblige à nous-même progresser, plus que de travailler pour rendre le bateau plus rapide que celui du voisin. C’est ce qui nous pousse le plus vers le haut pour pouvoir progresser sur nos techniques de navigation, sur nous-même. On a tous le même bateau, c’est le marin qui fait la différence.
Donc c’est vraiment une question de performance.
Anaëlle Pattusch: Il y a quand même un peu de technologie, avec tout un apprentissage lié à l’électronique que nous avons à bord. On a des systèmes pour faire des routages, pour analyser nos vitesses, etc. Et puis c’est des bateaux qui ont des foils maintenant. Alors ils sont plus là pour faire plan anti-dérive que vraiment faire voler le bateau, même si ça soulage bien l’étrave. Donc tout ça c’est quand même des choses qui sont nouvelles par rapport au Mini 6.50 qu’il faut prendre en main. C’est tous ces petits réglages qui font qu’il y a pleins de choses à combiner pour réussir à aller vite.
Ça se joue à pas grand chose, il y a des marins qui sont là depuis des années sur le circuit figaro et qui connaissent les bateaux par cœur. Et c’est ça qu’il faut essayer de trouver, les petits réglages pour essayer d’aller plus vite que l’autre.
Quel est ton meilleur souvenir lié à cette discipline ?
Anaëlle Pattusch: Mon meilleur souvenir en course au large, je pense que c’est pendant ma qualification hors course en Mini 6.50. C’est un parcours où on part en solitaire, donc on est pas en course, on est vraiment tout seuls. Je suis partie de Roscoff pour un parcours de plus de 7 jours, montée en Irlande, descendue au plateau de Rochebonne puis remontée en Lorient. C’était dans la manche, de nuit, le bateau filait, ça glissait et c’était vraiment le gros kiff.
Et là il y avait le plancton fluorescent dans l’eau, donc dès qu’on bouge il y a des traînées fluorescentes vertes qui apparaissent. Il y a des dauphins qui sont arrivés. Et moi j’étais toute seule sur mon petit bateau de 6 mètres 50 dans la manche, de nuit. Avec les dauphins autour, c’était vraiment un moment magique.
Quelles sensations te procurent ce sport ?
Anaëlle Pattusch: Pour moi, la course au large c’est vraiment un sport qui est associé à la liberté. Comme je le disais, on part tout seul sur le bateau, on s’éloigne de tout. Sur ces deux supports, que ce soit en Mini ou en Figaro, on a pas du tout nos téléphones. On est vraiment coupés du monde, on a aucun moyen de communiquer avec la terre.
Donc vraiment cette sensation de liberté, et en plus de ça cette sensation de dépassement de soi. En bateau, il y a toujours cette marge de progression. On peut s’améliorer sur tout, tout le temps, dans tous les domaines. Que ce soit sur la gestion de soi-même, de la météo, la vitesse, la technique. C’est ça qui me passionne, de pouvoir toujours progresser sur pleins de domaines différents parce qu’on touche vraiment à tout. On touche à la mécanique, à plein de choses.
C’est presque plus qu’un sport pur et dur, comme tu l’as dis tu as aussi des aspects techniques à prendre en compte.
Anaëlle Pattusch: Plus que juste être sportif, quand on monte des projets comme ça on est carrément entrepreneurs parce qu’il y a aussi une partie gestion de projet dans le sens rechercher des partenaires, garder cette relation avec eux, faire toutes les relations publiques, gérer la publicités sur les réseaux sociaux, etc. Il y a aussi la partie purement préparation du bateau, là c’est vraiment technique, mécanique pour le moteur. En mer, il est important de savoir tout faire, parce qu’une fois partis on est tout seul et on ne peut pas demander de l’aide à nos préparateurs ou quoi. Il faut réussir à se débrouiller tout seul pour trouver les pépins et les astuces. C’est vraiment super et toujours enrichissant pour soi-même.
Est-ce que tu as une routine un peu type d’une journée sur un bateau quand tu fais ce genre de course ?
Anaëlle Pattusch: Routine un peu type, pas forcément. Cela va dépendre des conditions météo et de ce qui est prévu pour la suite. Ça fait vraiment partie du travail à bord pour pouvoir gérer le sommeil et la nourriture.
Quand on est sur le bateau en course, il y a toute cette partie où on est à la barre, réglage du bateau, et ça on essaye d’être toujours vigilant pour être sûr que le bateau avance le plus vite possible. Mais après il faut gérer en parallèle et trouver des moments pour pouvoir dormir, pour manger. On a aussi tout ce travail devant la table à carte comme on l’appelle, devant l’ordinateur pour trouver ce qui est le mieux par rapport aux courants, la meilleure route par rapport au vent, aux adversaires.
La journée type ça va être de régler le bateau, d’aller vite regarder la navigation, et après vite ressortir du bateau pour être certaine que tout va bien. Dès qu’on a un petit moment, on mange quelque chose, on se fait un plat chaud. Il y a aussi le sommeil à gérer, qui va vraiment dépendre des conditions que l’on a actuellement et que l’on aura par la suite. Si on sait que ça va être plus compliqué les 48 prochaines heures, on va dormir plus ici. Et si on sait que là il faut tenir bon, on fait tout ce qu’on peut pour être accroché à la barre, pas dormir, et on sait qu’on pourra se reposer après. C’est vraiment ça qui rythme nos journées.
C’est un bateau qui perd assez vite de la vitesse donc il faut toujours être sur les réglages. On peut pas le laisser des heures sans régler. Souvent on fait des siestes de 15 minutes, pas plus, ce qui nous permet de pouvoir rejeter après ces 15 minutes un coup d’œil sur les réglages du bateau, etc. Après on peut les enchaîner si tout se passe bien. Mais on ne laisse jamais le bateau pendant 1 heure ou même 40 minutes tout seul à ralentir ou aller dans la mauvaise direction.
Comment est perçue la femme dans ce sport qui est encore malgré tout très masculin ?
Anaëlle Pattusch: Pour l’instant, la voile c’est encore très masculin. En tout cas, moi de mon côté et comme je le vois en tant que skipper, je n’ai jamais vu la différence. J’ai toujours été traitée en tant que marin et pas en tant que femme dans ce milieu. Je n’ai jamais vraiment eu à me poser ce genre de questions par rapport à ma place. Est-ce qu’elle était justifiée ou non par rapport à un homme. Et je pense qu’il y a vraiment de super navigatrices qui ont déjà prouvé qu’elles avaient tout autant leur place ici que les hommes.
Pour moi, ce n’est pas un débat à avoir. Et pour l’instant je n’ai jamais vraiment rencontré de problème lié à ça. Même au contraire, on est tous marins et dans ce milieu il y a beaucoup d’entraide. Que tu sois un homme, une femme, ça ne change rien du tout. Dès que tu as un pépin, tout le monde va venir t’aider.
Quels sont tes modèles dans ce sport ?
Anaëlle Pattusch: Dans ce sport, j’ai une navigatrice qui m’inspire beaucoup c’est Samantha Davies. J’ai eu la chance de la rencontrer l’année dernière, lors d’une soirée. Et c’est son bateau maintenant que je loue. C’est une navigatrice que j’admire pour son parcours. Elle arrive à gérer autant sa vie personnelle et son projet voile de façon incroyable je trouve. Elle est vraiment restée authentique, et ça c’est vraiment quelque chose qui me tient à cœur, de rester soi-même. Toute sa façon d’être et sa manière de gérer ses projets, c’est très inspirant.
Le mot de la fin ?
Anaëlle Pattusch: Pour moi c’est vraiment un rêve qui va se réaliser de pouvoir participer à cette Solitaire du Figaro. J’espère vraiment pouvoir continuer après. Je suis toujours à la recherche de partenaires, de sponsors, etc. Donc si jamais quelqu’un lis ça et a envie d’embarquer dans de supers projets et d’embarquer dans l’aventure, ce serait génial !
Merci à Anaëlle Pattusch pour cette rencontre inspirante, nous te souhaitons le meilleur pour la suite et t’encourageront lors de la Solitaire du Figaro 2024 ! Et si vous souhaitez embarquer dans l’aventure avec elle, nous vous invitons à la contacter !
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